• Je ne veux pas dormir. Encore une fois rien ne survivra. Je ne peux rien retenir. J'ai froid.


    (...)

    (I'm going in / Lhasa)


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  • Encore des nuits. Encore de l'ivresse. J'en veux plus. Je ne sais plus vivre le jour, j'ai perdu le goût de tout ce qui n'est pas cette pièce suspendue dans le temps, cette pièce où rien ne compte plus. Ni la vie du dehors pour laquelle il faut se battre ni les journées mortes derrière les rideaux fermés.

    And I find it kind of funny, I find it kind of sad / The dreams in which I'm dying are the best I've ever had.


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  •  

     

    Je rentrai, traversant la ville noire, gigantesque scène vidée de ses âmes, où s'entassent en grappe carcasses et miettes de leur existence. Le monde entier retranché derrières les fenêtres des façades jaunâtres. Nuit emplifiée de signes quotidiens, d'entremèlement de rues où se tapissent dans l'ombre les repères du jour. Et tout respire. Les voix désincarnées qui sont l'appanage d'une ville la nuit, quelque écho d'un cris, quelque fenêtre illumée d'où éclate un rire dont on ne sait jamais plus rien qu'une ombre tremblante sur un plafond.


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  • J'ai décidé de faire une pause. Une pause du monde.

    Depuis quelques jours ou quelques semaines je patauge dans ma tristesse non sans une certaine touche de pathétique. Je crois qu'il faut arréter de bouger. Se recroqueviller. Mourir un peu, pour la millième fois.

    Voila que me reprend le besoin d'un malheur total, absolu, qui ne tolère aucune fuite, qui se tient loin de l'espoir qui me ruine. Aussi je me réserve des journées de solitude, me promettant de nourir mon état de quelques éxcés, solitaires eux aussi car mes vices deviendraient distraction si je venais à les partager avec quelqu'un. J'accomplirai les rituels, en toute connaissance de cause, coupable déjà. J'ai besoin de sentir la cassure. J'ai besoin de la dignité du silence et de l'éloignement. Puisque de toute façon c'est le vide et l'angoisse qui m'accueillent à l'aube et me bercent à la nuit tombée. Puisque de toute façon l'air ne passe plus.

    La fatalité, je veux l'embrasser. M'en recouvrir jusqu'à n'être plus qu'un corps qui s'inflige la vie vidée de tout ce qu'elle devrait être par punition.

    En réalité, je m'étonne même d'écrire et de penser cette sorte de misère, de desespoir terrifiant. Car devrait-il évoquer autre chose que la terreur à quiconque le contemple ?

    Je n'arrive pas à me faire à l'idée que l'on doive vivre de cette façon, à lutter chaque seconde pour ce concept brumeux qu'est celui de l'avenir. Se lever, aller en cours pour ne pas passer une vie d'aliénation dans un travail misérable. Se lever, sortir pour ne pas passer une vie à regretter de ne pas être ce qu'on voudrait. Ce demain toujours présent sans qu'on en voit la couleur. Demain. C'est que plus j'avance et plus ce demain mysterieux semble n'être qu'une vague variation sur le même thème qu'aujourd'hui.

    Je n'y arrive pas, ces temps-ci. Je ne suis pas capable de croire en quoi que ce soit. Je n'arrive plus à réver, j'ai perdu des morceaux d'espoir. Et il n'est rien que je puisse dire sans rencontrer le regard plein de pitié de celui à qui j'en fais la confidence et qui tente de me faire comprendre son affligeante impuissance dans ce silence embarassé. Je resterai silencieuse alors, en toute occasion qui me le permette et porterai contre moi la déchirure avec patience et résignation. J'ai choisi de me donner toute entière à cette transe. De me donner au vent glacial qui me gifle, à la lumière des rues. J'ai choisi d'être nue sous l'immobilité du goudron, des pavés, des pierres blanches des immeubles qui reflechissent la lumière du soleil d'hiver. J'ai choisi de me fondre et d'être dans la ville, d'être cette ville qui contemple de loin chaque humanité qui la foule. Minérale.

    Ca passera, ça passe toujours. Je me réveillerai un jour, hébétée, avec l'envie retrouvée qui fourmillera au creux de mes paumes, j'aurai l'impression d'avoir dormi très longtemps. Je serai revenue au début de la boucle, j'en distinguerai chaque contour, j'en verrai les failles et rien ne me semblera impossible.


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  • "Ferme ta gueule, pétasse !"

    Sa propre voix qui explosait la gifla de plein fouet, lui laissant dans les yeux une terreur sourde et un sentiment encore jamais éprouvé, une puissance, un plaisir qu'elle aurait cru impossible. Le silence s'abattit, pour la première fois elle n'eut pas le besoin irrepressible de le combler en injures à ce corps tremblant qui s'étalait à ses pieds. Elle le laissa la posséder, doucement, rendant assourdissant le murmure de son sang qui battait à sa tempe. Elle se laissa engloutir par sa jubilation, prenant même plaisir à écouter quelques secondes la voix d'une conscience lointaine et etouffée, qui lui disait de fuir, de ramasser jusqu'au dernier les mégots de clopes qui jonchaient le sol, de foutre le camp sans laisser une trace, loin, très loin. Un sourire étrange passa sur son visage alors que se déssinait la victoire d'une toute autre entité, celle de sa nouvelle puissance. C'est à sa conscience qu'elle cria silencieusement de se taire.

    Ce fut Auguste qui parla, les yeux fous :

    "Alors, raclure, qu'est-ce que ça fait de patauger dans son sang ?"

    Un sanglot monstrueux s'échappa de la silhouette au sol. Auguste était fébrile. Adélaïde le regarda avec une pitié qu'il capta dans la seconde. Il reprit :

    "-Tu sais ce qu'on va faire de toi, hein, raclure ? Tu le sais ?

    - Ferme là aussi, Augute, fait pas peur à la p'tite !

    - Mais je ...

    - Ferme là j'te dis, tu m'vrilles les tympans avec tes conneries !"

    Auguste ouvrit des yeux énormes. Il sentit la fin arriver, jamais encore elle n'avait pris cette voix-là avec lui. Il avait tout fait pour cette pauvre fille, il avait cultivé chaque jour à l'interieur de son joli ventre un amour grandissant dont il était l'unique et ultime objet. Il avait fait d'elle une droguée, dont le seul rampart contre le vide était sa présence, sa lumière noire, ses attentions qu'il distribuait au compte goutte, caressant sa tête de chienne loyale et desespérée. Il avait voulu ce jour pour tatouer dans sa chair blanche la dernière promesse qu'elle lui était totalement et définitivement dévouée, il avait contemplé des semaines le délice à venir de la voir tabasser quelqu'un de sang froid et revenir à lui les yeux brillants, fière d'avoir été à la hauteur, fière de donner satisfaction à celui qu'elle considérait comme l'unique amour de sa vie. Il n'avait jamais réellement eu besoin de se démener pour elle, ça avait toujours été facile de la faire plier et de lui donner en prime le sentiment qu'il était ce qu'elle avait toujours cherché. Il voyait en elle une connasse naïve et courbée, enchainée à quiconque lui disait qu'elle était belle. Seulement ce soir, alors que la pétasse insignfiante qu'il avait choisi comme premier sacrifice à l'autel sanglant qu'Adélaïde construirait pour eux, se tordait et tremblait dans la pénombre, quelque chose s'était passé qu'il n'attendait pas. Il s'intima l'ordre de se calmer, de ne lui laisser rien voir de sa frayeur. D'attendre. Adélaïde avait tout vu du cheminement silencieux de sa pensée, sa jouissance s'échappait par chaque pore de sa peau, remplissait la pièce, les étages du parking, la rue, le pays. Elle essayait de se reconstituer mentalement le déroulement de la soirée mais son esprit butait sur quelque chose qu'elle n'arrivait à se formuler et qu'elle reconnut bientôt comme une illumination, une fulgurance qui avait anihilé presque totalement ce qu'elle était quelques heures plus tôt. Elle conservait maintenant son passé avec l'impression étrange que c'était celui de quelqu'un d'autre, une vie anterieure, un préambule à ce qui était né ce soir. Rien ne présageait pourtant de cette métamorphose. Elle s'était reveillée fébrile en fin d'après-midi, avait contemplé par la fenêtre la lumière jaunâtre qui tombait sur la ville alors que le soir arrivait. Auguste derrière elle degraffait son soutif de ses grosses mains et l'avait précipité avec sauvagerie sur le lit défait. Plus tard, alors qu'endolorie elle s'était redressée sur la ville noire de nuit, il lui avait soufflé à l'oreille son excitation du grand soir qui approche, tout était près, Felix avait déniché dans un bar de la périphérie une minette qui ferait l'affaire. Il avait dit qu'il était un peu déçu qu'elle n'ait pas voulu choisir elle même. Ils étaient sortis de l'immeuble, déjà complices et attachés l'un à l'autre par un destin commun qui se rapprochait à chaque pas. Adélaïde s'était forcée à ne rien penser, elle s'était mise à engloutir avec une avidité peu habituelle le whisky que lui tendait Auguste, qui, emerveillé, y voyait là la promesse de délices à venir. Les heures avaient passé, insignifiance sur insignifiance, jusqu'au parking où elle se tenait à présent, jaugeant son amant d'un regard froid. Auguste avait porté le premier coup, puis le deuxième. Au bruit des os qui se cassent, à la brillance moite du sang qui se répand, Adélaïde avait été prise d'une nausée qu'elle avait tout fait pour contenir. Puis Auguste s'était écarté, la fille pleurait, c'était à son tour de cogner. Elle s'était avancé tremblante et après une seconde, avait envoyé à la fille un coup de pied dans les côtes, un deuxième, un troisième. Puis des insultes. Sentant ses poings se serrer presque mécaniquement, elle l'avait attrapé par les cheveux pour lui décoller un coup au visage, puis un deuxième, un troisième. Elle avait senti comme une brûlûre les yeux d'Auguste dans son dos. Puis le temps s'était suspendu une seconde, abasourdie Adéaïde avait laché la fille qui avait alors commençé à supplier. C'était à cet instant, les poings douloureux, la respiration frénétique qu'elle lui avait crié de se taire. C'était à cet instant qu'elle avait tout compris. L'emprise d'Auguste s'était révélé à ses yeux tout en disparaissant dans un dernier fracas, elle était libre, elle s'était toujours demandé ce qu'on pouvait ressentir à tuer quelqu'un. Elle allait savoir et ça ne lui faisait plus peur. Et plus fort encore, elle savait qu'Auguste avait reconnu dans ce meurte à venir quelque chose qu'il ne pensait pas y trouver, quelque chose de différent que le plaisir monotone qu'il mettait lui à tuer. Il ne pouvait plus l'atteindre et en prenant le dernier souffle de la fille, elle achèverait Auguste tout autant. Elle lui montrerait avec delectation son pouvoir, sa haine, et cet acte serait une cassure là où il aurait voulu qu'il les unisse, cet acte serait une déclaration de guerre là où Auguste s'attendait à trouver la paix.

    Le silence avait encore une fois envahi la pièce, Adélaïde contemplait la fille recroquevillée dans un coin, Auguste observait Adélaïde et la fille les devinait tous deux dans l'obscurité. L'équilibre des forces modifié semblait avoir fissuré quelque chose dans l'atmosphère. Auguste avait peur, comme jamais. Adélaïde le regarda puis s'avança à nouveau vers la fille. Celle-ci ne trembla pas alors qu'elle ramassa à terre le couteau d'Auguste. Tout était silence, comme si chaque chose alentour prenait la mesure de ce qui se passait.

    ...

    Adélaïde considérait d'un air morne la rue qui s'étalait là devant. Mille fois et depuis tant d'années, son regard s'était attardé sur la multitude de détails qui constituait cette rue ordinaire. Mille fois et sous mille lumières différentes. Alors qu'elle balayait des yeux les trottoirs, les portes, lui revenaient par vagues des sensations, des impressions auxquelles ne s'attachaient aucune image claire et dont l'exacte provenance lui demeurait un mystère. La vue d'une grande fenêtre, par exemple, trouée dans l'immeuble d'en face, au deuxième, lui évoquait une sorte de tristesse contemplative et calme, qui n'avait pas proprement d'objet. Ou bien cette fenêtre était-elle comme certains visages qui transparaissent dans la foule, car ils portent sur leurs traits quelque chose qui, même silencieux, rappelle à celui qui les contemple un plis de leur propre esprit. Peut-être que les gens qui vivaient, grandissaient, vieillissaient là derrière étaient emplis de cette tristesse étrange, qui, à l'étroit, avait débordé sur les meubles de l'appartement, jusqu'à cette fenêtre. Adélaïde gardait d'avant toute une gallerie de souvenirs d'une piètre importance à ses yeux, si ce n'est cette collection d'impressions attachées à un objet, à un lieux, ou bien seulement à une certaine atmosphère qu'elle s'amusait parfois à faire ressurgir dans son esprit. A tout endroit elle pouvait se sentir chez elle, ranimant dans le noir ces bribes de sensations désincarnées. Seulement ça n'était plus assez. Craignant la vieillesse et par dessus tout la mort, elle se prenait pourtant de plus en plus souvent à rêver d'un temps où elle aurai de plus grands souvenirs, de ceux qui comptent, de ceux qui construisent une vie. Adélaïde voulait avoir quelque chose à regretter et pour cela il fallait bien qu'un jour elle commence à vivre. C'était pourtant bien quelque chose qu'on ne peut pas décider, ce qui la laissait dans un désarroi profond. Quelles rues empreinter ? Quel hasard pourrait bien l'amener sans qu'elle le sache vers l'endroit où, un autre hasard complice aurait déposé comme par magie quelqu'un, quelque chose, n'importe quoi pourvu que ce soit l'instrument du changement ? Souvent dans la rue, dans les cafés, elle entendait les gens parler d'évènements de leur quotidien ou même de plus large envergure et elle était prise d'envie. Si seulement elle avait au moins pu assister à ces moments qui construisaient les personnages des récits qu'elle entendait, voir ce qu'il sétait passé sur leur visage, témoigner du tremblement soudain d'une voix ou d'un poing qui s'abat, peut-être aurait elle pu reconnaître chez elle les instants propices à la cassure qu'elle esperait. Il lui semblait que partout où elle n'était pas, les gens vivaient et qu'ils s'arrétaient à son approche, profitant de cette suspension temporaire pour se raconter à haute voix les délices inconnus de leur histoire.


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