• Teach me, Mommy
    How to grow
    How to catch someone's fancy
    Underneath the twisted oak grove


    (Grow grow grow - PJ Harvey)

    (...)


    Où trouver la beauté sinon dans le malheur ? Où trouver cette flamme qui transperce le ventre où un millier d'échos s'étouffent chaque seconde. L'appartement s'étale autour de moi, forteresse rassurante et colorée que j'arpente le soir, désoeuvrée et vidée de quelque chose qui me manque.

    Je suis rentrée tout à l'heure dans une nuit brumeuse, éveillée seulement par les lampadaires nimbant les choses autour d'un voile jaunâtre. Je serrais fort dans ma main la bandoulière de mon sac et chaque bruit dans cette nuit silencieuse tendait mon corps d'une angoisse sourde. Et pourtant quelque part en moi quelque chose se ravissait en trouvant dans l'air les odeurs qui commençaient à se dégager du froid de l'hiver. Le parfum enivrant des arbres et de la végétation qui se remet à vivre et exhale dans le noir l'odeur des feuilles chauffées par le soleil timide d'une journée douce. L'été se déssinait au loin comme une promesse alléchante, mon coeur battait au rythme de sensations familières, de souvenirs sans images ni visages, qui restent tout de même plantés en nous sous forme d'impressions vagues. La rue s'est rapprochée jusqu'à ce que j'y pénètre, pour sombrer dans la pénombre d'un couloir vide. Puis les escaliers et les clefs que l'on tourne dans ses mains, pour le plaisir futile de reconnaître sans l'aide des yeux celle qui convient à la sérrure. Et l'entrée sombre. La pièce immobile.

    Et puis rien. Rien d'autre que moi qui tourne en silence, cherchant dans ma tête les mots pour écrire la couleur des jours derrière moi. Il y a là une nouveauté fragile qui se défile chaque fois que j'essaie d'en fixer quelque part la teneur. Il y a là un frisson qui semble indicible et m'échappe lorsque je crois l'avoir finalement emprisonné à l'interieur de mes mains refermées. Je me sens d'un seul coup ridiculement muette devant ce constat limpide qu'une chose qui ne dit pas son nom se love en silence au creux de mes pensées.

    Un tremblement invisible m'agite à l'interieur et mes nuits sont calmes. Je me réveille dans la beauté douce du soleil qui coule entre les rideaux et projète ses rayons sur la pièce calme. Quelques fois j'entend l'écho d'une guitare dans le jardin du dessous et ouvrant la fenêtre, je reste quelques minutes à écouter les cordes qu'on effloeure et qu'on tire.

    La douleur semble éteinte et plus rien ne m'étrangle. Il se pourrait bien que je vive. C'est ce que je me suis dit et cette évidence délicieuse jaillaissait derrière mes paupières, parfois, au détour d'une soirée. Il se pourrait bien que je commence à y croire, tout en gardant contre moi la faille et cette attirance inéluctable pour la beauté sombre de certaines bléssures. De ses bléssures qui sont le relief, la consistance, le charme de ceux que je contemple. Je cherche toujours des yeux qui brûleraient d'une flamme hypnotique et sombre. Je sais qu'ils sont là. Je sais qu'ils sont tout près.


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  • Une atmosphère sur le fil du rasoir, qui installe dés le début une sorte d'angoisse sourde dans un monde qui semble calme.
    Du gore présent mais avec un usage modéré en définitive. Moi qui suit plus que sensible à ce genre de choses, je n'ai détourné les yeux que cinq minutes au grand maximum sur 2h00. Que dire de plus ?
    Insoutenable, étourdissant, à couper le souffle. Magistral !


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  • J'ai repassé la robe de Princesse. Elle pend là, vestige du temps perdu, extirpée aux souvenirs vagues. Sa beauté fannée fait glisser les yeux vers la douceur d'un autre temps que l'on a oublié. Ses volutes bleues m'obsèdent. Je me déplace dans la mélancolie evanescente des instants ramenés à la vie. Tout tient parfaitement derrière le tissu usé et j'entrevois sous les bretelles une image de moi, rapetissée et floue. Je ferme les yeux sur un goût de dimanche pluvieux, d'obscurité fauve qui s'abbat sur les meubles du salon, cette nuit qui est plus profonde de seconde en seconde. Une pluie de détail émerge de l'ombre, le bruit étrange du bois qui travaille au dessus de la chambre, le ciel vert d'un orage d'après-midi et l'escalier noir disparaissant sous un rideau. Tout est intact, comme gardé prisonnier pour ne rien abimer. Les couleurs, les sensations, les odeurs, celle des pierres et du métal du balcon, celle de l'eau de rose dans laquelle je noyais mon visage. Le souvenir vif de l'enfance me fait vaciller en silence. La robe de Princesse trône là, preuve d'un passé, preuve d'une vie d'avant, preuve de la joie brutale des instants qui se lovent au fond de ma tête, photo prise à jamais, jaunie par les jours qui défilent.


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  • C'est à ce seul moment que mes yeux ne mentent pas. A ce seul moment que dans le miroir et seule, apparaît une image plus nette de qui je suis. Moque toi, moque toi bien ma belle et vois si ça m'importe. Je sais qu'il y a dans ces yeux-là, et pendant un millième de seconde, le reflet des choses que l'on cache. Personne ne regarde et l'image devient une évidence. Ce visage est à moi, ces yeux-là m'appartiennent et je veux qu'ils parlent sans la distraction du monde alentour. Je peux être belle, pour une seconde et puis à jamais.


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  • Je désire. Je ne fais que ça. Je ne suis rien d'autre que désir, qu'espoir, terreur, attente. Je traîne ma peau inutile au dehors où les gens vivent, mon coeur se serre lorsque leurs yeux sont flous, lorsques leur mains s'emmèlent, lorsques leur bouches fermées disent tout. J'ai eu tout le temps d'être une enfant, une enfant heureuse puis malheureuse. Ma conscience est née quelque part sur la route et ne me donne plus aucun répis. Je désire. Quitte à être niaise, quitte à être pathétique. Qu'importe quand il n'y a plus qu'une chose qui vous donne le vertige. Et ça me donne tellement l'impression d'avoir 14 ans ...


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