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    Je vis de journées vides.

    D'ennui et d'abattement.

    Rien ne bouge.


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    On lui demandait des mots, lui qui en avait toujours eu, qui n'avait d'ailleurs jamais eu que ça : des mots à substituer à la sensation lacunaire qu'il avait des choses et des êtres. Des mots qui devaient donner la vie, peupler la chambre vide et lever ce voile tendu entre lui et le reste du monde. S'observant à chaque geste, il vivait de cet oeil interieur qui tissait par habitude des milliers de phrases et donc choisissait du quotidien ce qui méritait le souvenir. Des livres entiers avaient défilé ainsi derrière ses paupièeres, vites anéantis, à peine éxistants que déjà disparus.


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    Anne pensait : " Je ne veux plus aimer ". Elle parlait tout haut dans la chambre vide :

    " Ca n'est pas le plaidoyer de ceux qui ont vécu et se sont éteints dans un dernier rougeoiment, ça n'est pas le plaidoyer de ceux qui croient avoir tout souffert, mais celui de ceux qui ne s'arrêtent de courir, les mains grandes ouvertes qu'ils serrent parfois dans une sorte de sursaut mécanique, avides de trésors qui flottaient en l'air. Volatiles, tournoyant autour des poings serrés sans jamais s'y laisser prendre. Ca n'est pas l'abandon d'un désir que l'on bafoue pour l'avoir trop touché et s'y être échaudé mais celui d'un désir que l'on tait, qui s'échoue au fond de la gorge comme une eau amère. Jaillissement incontrolable et dont on s'embarasse, je ne veux plus désirer. Que mon corps et mon âmes se taisent et dédaignent ce qu'on leur refuse. Je veux accueillir le vide comme une berceuse et dormir, dormir, dormir !


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  • Louis avait quinze ans. Moi treize. Après ces vacances j'ai passé des semaines à écrire de sombres mots d'amour, où je m'exaltais avec une grande solennité de la froideur brune de son visage qui éclatait parfois sous l'éclair noir de ces yeux, lorsqu'il souriait. Je me souviens par vagues et dans un flou plutôt esthétique de ce fourmillement maladif qui m'avait agité cet après-midi là alors qu'il soupesait avec dédain mes disques étalés sur la table. Il avait du dire que c'était pas bien glorieux ce que j'avais là puis je ne sais par quel miracle, il avait fini par sourire et il me semble que ma peau avait capturé avec avidité la chaleur de ces yeux. Une nuit aussi, où assise à cette même table je contemplais avec un désir proche de la douleur sa bouche sur le filtre d'une cigarette, ces joues qui se gonflaient puis le filet blanchâtre qui envahissait pour une seconde l'air au dessus de nos têtes. Avec Marina, dans l'herbe près des filets de volley, nous partagions avec delectation nos amourettes respectives. Le blond pour elle, et Louis pour moi. D'une certaine façon, ça n'était pas grave qu'il ne m'appartienne pas, je gardais pour le silence de certains jours le souvenir, auquel se greffait quelques images inventées. Image où sous mon insignifiance il me devinait. Et Marina qui m'écrivait recevait le témoignage enflammé de cet ersatz d'amour.


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    Tu ne crois pas que je comprends ? Rêver vainement d'exister. Ne pas avoir l'air, être réellement. A chaque instant, consciente, vigilante. Mais un abîme sépare ce qu'on est pour les autres et pour soi-même. Sensation de vertige et désir constant d'être enfin découverte. D'être mise à nu, découpée en morceaux et peut-être même anéantie. Chaque intonation, un mensonge, chaque geste, une tromperie, chaque sourire, une grimace. Se suicider ? Oh, non ! C'est affreux. Ca ne se fait pas. Mais on peut être immobile. Et silencieuse. Au moins, on ne ment pas. On peut se replier, on peut s'enfermer en soi. Alors plus de rôle à jouer, plus de grimace à faire, plus de geste mensonger. Du moins, on croit. Mais la réalité est obstinée. Ta cachette n'est pas étanche. La vie s'infiltre partout. Tu es obligée de réagir. Personne ne se demande si c'est réel ou non, si tu es vraie ou fausse. Il n'y a qu'au théâtre que ces questions comptent. Et encore... Je te comprends, Elisabet. Je comprends que tu te taises, que tu sois immobile. Que tu aies monté cette apathie en un système fantastique. Je te comprends et je t'admire. Tu devrais jouer ce rôle jusqu'à ce qu'il soit épuisé. Qu'il ait perdu tout intérêt. Alors tu l'abandonneras. Comme, petit à petit, tu as quitté tes autres rôles.

     

     

     

     


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